Quo vadis Union européenne ?

L'Europe a été construite en tant que projet visant à garantir la paix par des liens économiques et, à cet égard, l'UE doit être considérée comme un succès. Cependant, le monde a profondément changé au cours des dernières décennies. L'Europe non, car les gouvernements nationaux n'ont jamais voulu que l'Union européenne devienne plus que ce qu'elle était déjà.

Aujourd'hui, les crises, les conflits et la guerre sont aux portes de l'Europe et leurs effets se font sentir dans toute l'Union – qu'il s'agisse des millions de réfugiés que nous accueillons ou de l'aide continue de plus de 100 milliards d'euros que l'UE a fournie et continue de fournir à l'Ukraine.

Parce que les réformes ont été évitées pendant des décennies, l'UE n'a aujourd'hui aucun poids géopolitique. On a déjà oublié les voyages embarrassants d'Ursula von der Leyen et Charles Michel en Turquie se battant la seule chaise disponible. Aujourd'hui, il s'agit de l'obligation de dépenser 5 % du PIB pour l'OTAN (le budget complet de l'UE est actuellement d'environ 1,2 % du PIB), du piètre accord commercial UE–US ou encore des négociations de paix entre les États-Unis et la Russie concernant la guerre en Ukraine : notre propre histoire est écrite par des puissances étrangères, parce que l'Europe n'est toujours pas unie. Une politique étrangère européenne est inexistante. Nous n'avons ni une voix unie, ni un canon : nous sommes une cacophonie de 27+1 tirant dans 28 directions différentes et, au final, n'allant nulle part.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Dans un monde de blocs géopolitiques, les États membres isolés comptent de moins en moins. Nous devons comprendre que ce n'est qu'en unissant nos forces vers un « bloc » européen et une politique étrangère commune que nous pourrons répondre aux attentes et jouer notre rôle sur la scène internationale.

Mes points d'action

Nous avons urgemment besoin d'une doctrine de politique étrangère européenne. Voici ceux qui seraient mes axes prioritaires.

  • Adhésion et intégration

    Le processus d'adhésion et d'intégration doit devenir bidirectionnel et itératif plutôt qu'une Europe à plusieurs vitesses et des décennies d'attente pour les pays désireux de rejoindre l'UE. Nous devons rendre notre Union beaucoup plus accessible en définissant un chemin d'adhésion qui, à chaque étape, donne accès à « un peu plus d'Europe ». Cet accès doit aussi pouvoir être révoqué en cas de régression pour les nouveaux membres comme pour les anciens. Dans un tel processus, la Hongrie, par exemple, aurait depuis longtemps perdu ses droits de vote en raison de ses reculs démocratiques et de la corruption.

  • Soft power

    Reconstruire la crédibilité que l'Europe a perdue – et continue de perdre – sur la scène internationale sera une tâche générationnelle. Nous ne pouvons plus pointer du doigt vers d'autres pays pour leurs violations des droits de l'homme alors que nous détournons aussi le regard quand cela nous arrange. L'Europe doit parler d'une seule voix dans les conflits et utiliser non seulement son influence économique pour une politique étrangère « intelligente ». Combler le vide en reprenant des initiatives abandonnées par les États-Unis comme USAid et Radio Free Europe est tout aussi important que de rendre l'UE beaucoup plus résiliente dans de nombreux secteurs, de l'énergie aux ressources critiques, en passant par la défense et les infrastructures technologiques.

  • Dissuasion militaire

    Les gouvernements nationaux sont prêts à investir des centaines de milliards d'euros dans leurs armées respectives et ont même accepté les 5 % de dépenses OTAN imposés par le président américain Donald Trump. Il y a un grand risque de gigantesque gaspillage d'argent public car, tant qu'il n'y a ni coordination, ni achats communs, ni tentative d'harmoniser l'effort, les gouvernements iront dans 27 directions différentes. Il faut consolider les diverses industries de défense nationales, mettre en place un commandant suprême commun pour les forces européennes au sein de l'OTAN, esquisser les contours d'une future armée européenne et établir une chaîne de commandement robuste. Si les États membres ne font aucun effort au niveau européen, nous allons droit vers un réveil brutal.

  • Intervention en cas de catastrophes naturelles

    Nous devrions bâtir un consensus autour d'une unité militaire européenne d'intervention en cas de catastrophes, comme précurseur d'une véritable armée européenne. Que ce soit en Europe ou ailleurs, avec le changement climatique à s'intensifier, une telle branche militaire n'aura jamais de manque de missions et nous devrions l'utiliser pour établir et faire fonctionner les structures paneuropéennes que nous aurions dû avoir depuis longtemps.



Articles de blog associés

  • Une Europe des nations ? Non merci !

    Une Europe des nations ? 🤨 Non merci !

    (Sven Franck, )
    Giorgia Meloni ne voulait pas qu’on lui vole la vedette lors de la récente Meeting de Rimini. Contrairement à Mario Draghi, qui plaidait pour l’intégration européenne, elle défendait une "Europe des Nations". omme si encore plus du statu quo devenait la solution. Lire la suite.

  • 5% pour l'OTAN

    5% pour l'OTAN

    (Sven Franck, )
    C'est le sommet de l'OTAN et Mark Rutte a déjà décidé du résultat avant toute discussion, dans un message poétique : « Nous allons désormais consacrer 5 % du PIB à la défense » — bien plus que les 2 % par an auxquels les membres de l'OTAN se sont engagés. Lire la suite.

  • Il faut un trilogue pour la politique étrangère européenne

    Il faut un trilogue pour la politique étrangère européenne

    (Sven Franck, )
    Récemment, j'ai vu un discours de Jeffrey Sachs au Parlement européen où il critiquait le fait que l'UE n'a toujours pas de doctrine pour une politique étrangère européenne. Je suis d'accord. Lire la suite.