Trouble in France
Blog post sur LinkedIn, 10/09/2025, de Sven Franck (in Deutsch, in english)
TL;DR – Après le hara-kiri du Premier ministre François Bayrou sur le budget 2026, le président Macron a rapidement nommé Sébastien Lecornu comme nouveau Premier ministre. On peut se demander combien de cartes le président a encore dans sa manche, sachant que tenter de faire passer un budget similaire risque de conduire son successeur au même sort d'ici quelques mois.
Tout ou rien
La vie est difficile en politique dans une France sans « prime majoritaire », introduite pour la première fois par un certain Benito Mussolini (qui l'eût cru) afin de forcer l'adoption de son agenda politique. La prime existe encore aujourd'hui en France : au niveau municipal, où le vainqueur des élections obtient une prime de 50 % des sièges et au niveau régional, où elle reste de 25 %. Au niveau national, les élections législatives étaient autrefois « intermédiaires », mais elles doivent désormais suivre les présidentielles afin de donner l'élan pour constituer une majorité absolue. En théorie.
Mais depuis les élections anticipées de 2024, convoquées par le président Macron d'une manière « Theresa-May-esque », avec des résultats tout aussi « Theresa-May-esques », la France est coincée entre trois blocs de force équivalente qui veulent gouverner seuls : la gauche, le centre et l'extrême droite. Et avec la vitesse à laquelle les Premiers ministres s'épuisent, on ne peut que constater que le système politique en place depuis 1958 a dépassé sa date de péremption.
De nouvelles solutions ? Pas du tout. Fidèle à l'esprit de son créateur, l'extrême droite souhaite introduire la prime majoritaire au niveau national lors du passage à la proportionnelle. Le gagnant rafle tout : 20 % des voix devraient donner droit à 70 % des sièges ? Les autres n'auraient plus qu'à se taire.
Tenir le centre est difficile
La France n'est pas seule. Partout en Europe, la dernière décennie a vu l'essor de mouvements d'extrême droite mais aussi d'extrême gauche, exploitant peurs et frustrations des électeurs. Leur progression résulte souvent d'une politique qui ne répond plus à leurs préoccupations et de systèmes transformés en oligopoles politiques empêchant tout renouvellement – avec la France en première ligne.
La solution semble simple : renouveau programmatique et politique, et maintien du centre. On pourrait le croire. Mais au lieu de cela, non seulement en France, les partis modérés succombent aux sirènes centrifuges des extrêmes. Ils s'alignent sur les populistes, adoptent leurs positions et amplifient leurs récits dans le courant politique dominant.
Résultat immédiat : comme en France aujourd'hui, le terrain du compromis entre lignes politiques a disparu. Dans un parlement sans majorité claire élue par la population, des positions irréconciliables se traduisent par l'actuelle paralysie politique française. Faire rentrer le génie dans sa bouteille signifie reconquérir le centre politique et réapprendre à trouver des compromis. Vite, car à un moment donné, la France manquera soit de temps, soit de Premiers ministres.
Titre inspiré par Guts: "Trouble in France"