Bananes : courbées. Capuchons : fixés. Réseaux sociaux : à votre tour !

Lavage de cerveau gratuit grâce aux médias sociaux - Photo de Gaelle Marcel/Unsplash
Lavage de cerveau gratuit grâce aux médias sociaux - Photo de Gaelle Marcel/Unsplash

Blog, 23/01/2025, par Sven Franck (in english , in deutsch)

L’investiture de Trump s’est déroulée avec le niveau attendu de dérapages contrôlés « à la Hitler ». Alors que le nouveau président et ses lèche-bottes des réseaux sociaux inondent le monde d’une propagande digne d’une émission de télécran, l’Union européenne doit répondre comme elle sait le mieux le faire : avec une meilleure réglementation. Il ne suffit plus de brandir des menaces uniquement lorsque les médias relaient une demande d’un député Volt. La Commission doit traiter les réseaux sociaux pour ce qu’ils sont : un danger pour la santé.

Regulators !

Vous vous souvenez peut-être du film « Supersize me » sorti il y a vingt ans. Le protagoniste a tenté, pendant 30 jours, de ne manger que du McDonald's, documentant ainsi son déclin physique et mental, incluant des lésions hépatiques et des problèmes cardiaques. Il lui a fallu 14 mois pour se rétablir. Qu’il s’agisse de burgers ou de sodas, l’Union européenne et ses États membres nous protègent en interdisant certains arômes chimiques et en taxant le sucre, les graisses et les aliments transformés. Comparez, par exemple (pont bonus si vous connaissez le contexte historique et le lien avec la couleur de peau) le Fanta vendu aux États-Unis et en Europe. Il y a une grande différence, même si la version européenne contient encore des quantités excessives de sucre.

Sucre, graisse ou « likes » : les réseaux sociaux, c'est comme la malbouffe. Tout aussi addictifs, et pire encore, accessibles en un seul clic. Regardez autour de vous : des enfants absorbés par leur smartphone, nourris par un flux qui ne s’empile pas sur leur ventre, mais dans leurs têtes. Qu’il s’agisse de Musk, Meta ou TikTok, nous devrions être heureux si nos enfants ne réclamaient que du chocolat de Dubaï. Le journal autrichien Tagespresse a récemment testé ce que les enfants voyaient en s’inscrivant sur TikTok : chaque flux était inondé de contenus d’extrême droite et islamistes. Voulons-nous que nos enfants grandissent formatés ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, chaque internaute âgé de 16 à 64 ans a passé en moyenne 2h30 par jour sur les réseaux sociaux. 2h30 de « doom scrolling ». Les effets sur la population adulte sont déjà visibles dans les urnes. Ceux sur nos enfants nous occuperont probablement pendant des années. Avec les réseaux sociaux – y compris ceux venus de Chine – qui font allégeance au nouveau président américain et qui commencent à utiliser leurs plateformes comme armes politiques, de simples mises en garde ne suffiront plus. Si la Commission européenne n'est pas capable de les règlementer – la seule chose qu’elle semble bien savoir faire – il faut se demander quels intérêts elle protège : ceux des entreprises américaines ou ceux des citoyens européens ?

Avertissement parental : contenu explicite

Les paquets de cigarettes peuvent servir de référence. Mais la Commission européenne pourrait aussi utiliser la réglementation existante : le Data Act de l’UE oblige les fournisseurs de cloud (comme Google ou Amazon) à « ouvrir » leurs clouds, afin qu’un utilisateur puisse déplacer ses applications et ses données d’un fournisseur à un autre. Pourquoi ne pas considérer les réseaux sociaux comme des fournisseurs de cloud et briser leurs jardins clos ? La Commission pourrait imposer la mise en oeuvre et l’accessibilité libre avec un format décentralisé comme ActivityPub de Mastodon, afin que les utilisateurs puissent créer leur propre flux sur des plateformes indépendantes qui chargent les publications des abonnés sur X, Facebook, etc.

L’UE pourrait aller plus loin et interdire les bots. Vous pourriez lire les réseaux sociaux sans vous identifier, mais dès que vous interagissez – que ce soit par un like, un commentaire ou une publication – vous devez avoir une identité vérifiable. Les armées de bots ne pourraient plus promouvoir du contenu spécifique en popularité et nous l’imposer, et mieux encore, la haine et le harcèlement en ligne diminueraient probablement face à la perspective d’une traque facile par les forces de l’ordre.

Enfin, les droits de propriété numériques pourraient encore ouvrir une voie : Est-ce que ma publication est « ma publication » tout comme ma séquence d’ADN devrait être ma séquence d’ADN et non la propriété du fournisseur qui effectue le séquençage ? Pourquoi ne devrais-je pas être compensé si mes publications et mon contenu sont utilisés pour entraîner des modèles d’IA ? Pourquoi ne pas exiger des plateformes critiques qu’elles offrent le droit de parler à un être humain dans les 24 heures en cas de blocage de compte, avec des pénalités en cas de violation ?

L’Europe n’a pas à « suivre » les États-Unis. L’Union européenne n’est pas sans moyens, et nous non plus. Nous pouvons déplacer nos abonnés vers des plateformes comme Bluesky ou Mastodon avec des initiatives comme HelloQuitX. Nous pouvons arrêter d’utiliser les réseaux sociaux – et gagner 2,5 heures de temps libre supplémentaires chaque jour – pour lire un livre (si vous le pouvez encore) ou pour parler à de vraies personnes (si vous savez encore comment). Essayons d’être sociaux sans les réseaux. Et si la Commission européenne fait semblant d’être démunie, votons pour des alternatives à chaque élection nationale. Puis, lors des élections européennes de 2029, nous pourrons exiger une présidence de la Commission élue par et pour le peuple européen.